Repantis, D., Bovy, L., Ohla, K., Kühn, S., & Dresler, M. (2021). Cognitive enhancement effects of stimulants: a randomized controlled trial testing methylphenidate, modafinil, and caffeine. Psychopharmacology, 238, 441-451.
Abstract
Rationnel
De tout temps, les humains ont tenté d’améliorer leurs capacités cognitives par différents moyens, notamment par l’utilisation de stimulants. Des stimulants largement disponibles, comme la caféine, mais aussi des substances délivrées sur ordonnance, comme le méthylphénidate et le modafinil, sont utilisés par des individus en bonne santé pour améliorer leurs performances cognitives.
Objectifs de l’étude
On manque de connaissances sur les effets des stimulants délivrés sur ordonnance lorsqu’ils sont pris par des personnes en bonne santé (par rapport aux patients) et, en particulier, sur les effets des différentes substances dans les différents domaines cognitifs.
Méthodes
Nous avons mené une étude pilote en trois volets dans laquelle les participants masculins recevaient un placebo et l’un des trois stimulants (caféine, méthylphénidate, modafinil) et évaluaient leurs performances cognitives à l’aide d’une batterie de tests portant sur différents domaines cognitifs.
Résultats
Notre étude a montré que les trois stimulants testés avaient des effets modérés. Le méthylphénidate a eu des effets positifs sur la fatigue auto-déclarée ainsi que sur la mémoire déclarative 24 heures après l’apprentissage ; la caféine a eu un effet positif sur l’attention soutenue ; il n’y a pas eu d’effet significatif du modafinil dans aucun des instruments de notre batterie de tests. Tous les stimulants ont été bien tolérés et aucun effet négatif sur d’autres domaines cognitifs n’a été constaté.
Conclusions
Les quelques effets positifs significatifs observés des stimulants testés étaient spécifiques à un domaine et d’une ampleur plutôt faible. Les résultats peuvent éclairer l’utilisation des stimulants à des fins d’amélioration cognitive et orienter la recherche vers l’étude des effets des stimulants sur les domaines cognitifs spécifiques qui semblent les plus prometteurs, éventuellement en utilisant des tâches plus exigeantes.
Introduction
De tout temps, les humains ont tenté d’améliorer leurs capacités cognitives (Dresler et al. 2018). Plusieurs moyens d’améliorer la cognition font partie de la pratique quotidienne, comme l’utilisation de la caféine sous forme de boissons contenant de la caféine (Dresler et al. 2013). D’autres interventions soulèvent toutefois des questions éthiques et juridiques, comme l’utilisation de médicaments sur ordonnance, un phénomène qui a été qualifié de neuro-amélioration pharmaceutique ou d’amélioration cognitive (Farah 2015 ; Maier et al. 2015a ; Maier et al. 2015b ; Repantis et al. 2010). Un certain nombre de substances sont vraisemblablement utilisées à cette fin, notamment des stimulants délivrés sur ordonnance, comme le méthylphénidate (MPH), un inhibiteur de la recapture des catécholamines principalement utilisé dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité. Bien qu’il existe des données de laboratoire et des preuves anecdotiques montrant un effet positif du MPH sur la cognition des personnes en bonne santé, certaines études ne montrent aucun effet, voire des effets néfastes (Repantis et al. 2010). Le modafinil (MOD) est un stimulant non amphétaminique qui est également utilisé comme substance neuro-améliorante. En raison de ses propriétés favorisant l’éveil, il est utilisé pour le traitement de la narcolepsie. Son mode d’action est moins clair, mais il semble qu’il augmente les niveaux extracellulaires de catécholamine et active indirectement le système hypocrétinergique (Minzenberg et Carter 2008). Une revue systématique des études menées sur des personnes en bonne santé privées de sommeil suggère que la MOD maintient l’état d’éveil et, dans une certaine mesure, améliore les fonctions cognitives à un degré plus élevé que le placebo (Repantis et al. 2010). Les études portant sur des personnes non privées de sommeil brossent toutefois un tableau plus complexe, avec notamment plusieurs études montrant des effets nuls (Battleday et Brem 2015 ; Repantis et al. 2010). Les données épidémiologiques suggèrent une utilisation répandue de stimulants sur ordonnance (principalement des amphétamines, mais aussi du MPH) à des fins d’amélioration cognitive, bien que la prévalence varie considérablement en fonction du pays et de la population étudiée. Une analyse systématique de 21 études portant sur la prévalence au cours de la vie de la consommation de stimulants non prescrits a révélé une fourchette de 5 à 9 % chez les enfants en âge d’aller à l’école primaire et secondaire, et de 5 à 35 % chez les personnes en âge d’aller à l’université. Cette consommation visait principalement à améliorer les facultés cognitives, mais aussi à se défoncer ou à expérimenter (Wilens et al. 2008). Des études menées en Allemagne montrent que la prévalence de l’usage au cours de la vie à des fins d’amélioration cognitive se situe entre 1,3 et 5 % (Franke et al. 2014 ; Sattler 2016). Une récente étude représentative de la population adulte américaine a révélé une prévalence d’utilisation non médicale de 2,1 % au cours de la dernière année, alors que l’amélioration cognitive était, avec 78 %, la raison la plus fréquemment rapportée pour l’utilisation non médicale (Compton et al. 2018). Néanmoins, cela est surprenant compte tenu de la rareté des données montrant des effets d’amélioration réels dans des études bien contrôlées sur des personnes en bonne santé non privées de sommeil. Ceci est cependant intéressant pour plusieurs raisons. Enfin, pour un grand nombre de personnes, la caféine (CAF) semble être l’option la plus évidente pour une substance améliorant les facultés cognitives. Par rapport aux stimulants délivrés sur ordonnance, la CAF est facilement disponible dans les boissons, mais aussi dans les pilules qui sont également utilisées à des fins d’amélioration (Franke et al. 2014). D’un point de vue psychopharmacologique, le CAF est intéressant en tant que stimulant cognitif car il a un mode d’action différent, ses effets étant médiés par des effets antagonistes non sélectifs sur les récepteurs A1 et A2A de l’adénosine, alors que le MPH et le MOD affectent principalement la neurotransmission dopaminergique et noradrénergique (Luethi et al. 2018 ; Wood et al. 2014). Par conséquent, il est nécessaire de mener des études d’efficacité pour juxtaposer les effets des stimulants sur ordonnance à ceux de la caféine dans la même batterie de tests. Pour répondre à cette question, nous avons réalisé une étude contrôlée par placebo avec trois bras testant trois stimulants différents (MPH, MOD, CAF) afin d’explorer les effets de plusieurs stimulants populaires différents sur la cognition. Chaque participant a reçu un placebo et un stimulant lors de deux journées expérimentales différentes et a donc servi de contrôle. Nous avons émis l’hypothèse d’effets différents dans différents domaines de la cognition pour chaque stimulant, sans toutefois prédire à l’avance quel domaine serait le plus affecté par quel stimulant. Nous avons utilisé une batterie de tâches portant sur diverses capacités cognitives (vitesse de perception, mémoire de travail, mémoire épisodique) et dans divers domaines de stimulation (numérique, verbal, figuratif-spatial) afin d’aborder les différents effets tout en établissant la commensurabilité des compromis entre les différents domaines.
[…]
Discussion
Dans cette étude, le méthylphénidate, le modafinil et la caféine ont été comparés à un placebo dans trois groupes différents. Après la prise de MPH, les performances de mémoire déclarative étaient significativement meilleures, un effet qui a également été montré précédemment à la fois pour la dose de 20 mg qui a été utilisée dans notre essai et pour une dose plus élevée de 40 mg (Linssen et al. 2014 ; Linssen et al. 2012). Dans les études précédentes, le rappel précoce était meilleur après une dose de 20 mg et le rappel tardif était meilleur après une dose plus élevée. Ici, nous avons trouvé un effet de 20 mg sur le rappel tardif de 24 h également, un effet qui n’a pas été testé auparavant. Dans notre deuxième tâche de mémoire déclarative, dans laquelle une tâche de faux souvenirs a également été intégrée, aucun effet de ce type n’a été observé. Cela pourrait être dû à une surcharge cognitive, étant donné que deux séries de plus de 70 mots chacune ont été présentées au cours de la même batterie de tests. En outre, il y avait des différences substantielles entre les deux tests. Les mots de la première série étaient présentés visuellement, tandis que les mots de la seconde série étaient présentés auditivement et comportaient une tâche de fausse mémoire. Cependant, aucun effet n’a été constaté sur la mémoire implicite (fausse) ni sur la mémoire vérifiée dans cette tâche. Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas eu d’effet sur les autres tâches cognitives qui ont été appliquées pour tester une variété de domaines cognitifs, y compris un test d’attention soutenue. Les résultats actuels s’ajoutent à un ensemble de données montrant certains effets du MPH sur la performance de la mémoire, alors que d’autres domaines cognitifs ne sont pas affectés (Repantis et al. 2010). Ce résultat positif est également en accord avec les études précédemment publiées sur les amphétamines (Ilieva et al. 2015). Cependant, l’ampleur de l’effet positif, bien que statistiquement significatif, était plutôt faible, ce qui remet en question l’utilité réelle du MPH en tant que stimulant de la mémoire.
Par rapport au MPH, la prise de 200 mg de MOD n’a pas eu d’effet significatif, bien qu’il y ait eu une tendance à une meilleure performance statistiquement significative dans la tâche de faux souvenirs. Les participants du groupe MOD ont obtenu de meilleurs résultats dans la plupart des tâches, sans que cela soit statistiquement significatif par rapport à la condition placebo. L’absence d’effets significatifs peut très probablement être attribuée à la petite taille de l’échantillon, puisque cette étude pilote n’était pas suffisamment puissante pour détecter de petits effets chez des personnes non privées de sommeil. Ceci est conforme à la littérature qui montre des effets positifs de la MOD principalement chez les personnes en manque de sommeil (Repantis et al. 2010). Toutefois, des études plus récentes ont également montré des résultats positifs dans certains cas, en particulier sur des tâches plus complexes (Battleday et Brem 2015). Il se pourrait toutefois que la batterie de tests neuropsychologiques utilisée dans cette étude ne permette pas de saisir les effets plus subtils de la MOD. Compte tenu de ses propriétés d’amélioration de l’éveil, la MOD a très probablement des effets d’amélioration plus profonds sur les personnes privées de sommeil, bien que l’on puisse soutenir qu’il ne s’agit pas d’un effet d’amélioration en soi, puisque la privation de sommeil ne représente pas l’état normal.
Enfin, la CAF a eu un effet significativement positif sur l’attention soutenue, un effet qui a été signalé à plusieurs reprises dans le passé (Einöther et Giesbrecht 2013) et qui est attribué à son effet antagoniste sur les récepteurs de l’adénosine, par rapport aux effets principalement cathécholaminergiques médiés par d’autres stimulants. Les tâches d’attention utilisées dans la littérature pour tester les effets du CAF varient considérablement, mais il existe un consensus général sur le fait que le CAF améliore les aspects fondamentaux de l’attention, tels que mesurés par des tâches de temps de réaction, comme celle utilisée dans notre essai. Étant donné que la tâche d’attention soutenue, dans laquelle nous avons observé des effets, était la dernière tâche de la batterie de tests, nous pouvons être sûrs que le CAF était encore actif jusqu’à la fin des tests, malgré un pic de concentrations plasmatiques maximales plus précoce que celui des autres stimulants. Inversement, nous pouvons être certains que le fait que le CAF n’ait pas eu d’effet significatif sur les autres domaines cognitifs testés plus tôt dans la batterie de tests est en accord avec la littérature qui montre que le CAF a principalement un effet d’amélioration spécifique sur l’attention.
Les effets subjectifs des trois stimulants ont également été examinés. Dans ce cas, les participants ont signalé une fatigue significativement moindre après le MPH. Une tendance positive à la diminution de la fatigue a également été observée après la prise de MOD ; cette tendance n’a toutefois pas atteint le seuil de signification après correction pour les comparaisons multiples. La CAF n’a montré aucun effet subjectif, contrairement à une étude précédente testant la caféine en tant que boisson avec la même batterie de tests (Ullrich et al. 2015). Ce niveau différent de stimulation subjective représente très probablement le continuum d’activation psychostimulante des trois stimulants testés ici (Wood et al. 2014).
Dans l’ensemble, notre étude a montré des effets spécifiques mais faibles pour les différents stimulants. Dans une analyse post hoc (fournie dans le matériel supplémentaire) visant à saisir les effets généraux d’amélioration cognitive dans un échantillon plus large, tous les groupes de stimulants ont été regroupés. Nous avons trouvé des résultats significatifs en faveur de la prise de stimulants par rapport au placebo dans un certain nombre de tâches. Ces effets n’étaient toutefois pas significatifs après avoir ajouté le type de substance comme facteur inter-sujets. Nous pouvons donc être sûrs que notre procédure expérimentale a été couronnée de succès et que l’ensemble des stimulants a eu des effets positifs sur certains processus cognitifs. En outre, cette analyse indique que notre essai n’avait pas la puissance nécessaire pour détecter les effets plutôt faibles et en particulier les effets différentiels de chaque stimulant pris isolément. Étant donné qu’aucun effet significatif de deux stimulants ou plus n’a été observé sur la même tâche cognitive, nous n’avons pas été en mesure d’explorer les différences entre les drogues sur ces tâches, ce qui pourrait être attribué à la rareté des effets forts au sein de chaque bras et de chaque stimulant. Seules quelques études ont examiné, dans le cadre d’un même essai, quel stimulant prescrit pouvait être plus efficace et, le cas échéant, dans quel domaine cognitif. Dans une revue systématique des études contrôlées par placebo comparant le MPH et le MOD (l’un contre l’autre et contre un placebo) sur des individus sains non privés de sommeil, nous avons identifié sept articles publiés traitant de cette question (recherche effectuée le 19 mai 2020 avec les termes de recherche utilisés dans une revue systématique précédente (Repantis et al. 2010), fournissant 24 résultats dont seulement sept remplissaient les critères d’inclusion prédéfinis). Ces sept articles ont rapporté les résultats de quatre essais distincts, qui étaient tous des essais croisés. Il a été démontré que le MPH (20 mg) améliorait les performances dans une tâche d’attention divisée et de vigilance, tandis que le MOD (200 mg) n’améliorait les performances que dans la tâche de vigilance (Theunissen et al. 2009). Dans une autre étude, l’augmentation de la vigilance après la prise de MOD (400 mg) a amélioré les performances attentionnelles (dans ce cas particulier : réduction du biais spatial), alors qu’aucun effet de ce type n’a été montré pour le MPH (40 mg ; Dodds et al. 2009). Le MPH et le MOD ont tous deux amélioré la vitesse de traitement perceptif uniquement dans un sous-groupe de participants dont les performances étaient faibles dans la condition placebo. Cette amélioration est corrélée à la vigilance subjective et le MOD a également amélioré les capacités de stockage de la mémoire visuelle à court terme dans le même sous-groupe (Finke et al. 2010). Dans une étude qui a examiné non seulement les effets cognitifs mais aussi émotionnels, le MPH (60 mg) et le MOD (600 mg) ont tous deux amélioré la performance inhibitrice (Schmidt et al. 2017b). Le MPH a augmenté l’anxiété subjective et le MPH et le MOD ont augmenté la mauvaise classification des émotions comme la colère dans une tâche de reconnaissance des émotions faciales (Dolder et al. 2018 ; Schmidt et al. 2017a). Au niveau neuronal, pour le MOD, l’activation induite par la peur dans le gyrus moyen et inférieur était en corrélation positive avec les sentiments subjectifs expérimentés de peur et de dépressivité après la prise de MOD. Par conséquent, les auteurs ont soutenu que l’utilisation du MPH et du MOD pour l’amélioration cognitive à ces doses plutôt élevées pourrait avoir des effets négatifs potentiels sur le traitement des émotions (Schmidt et al. 2017a). Enfin, une étude a comparé les deux stimulants prescrits non seulement l’un à l’autre, mais aussi à la CAF. Cette étude a appliqué chaque stimulant deux fois, la deuxième dose 4 heures après la première, et a testé principalement les effets des stimulants sur les performances des joueurs d’échecs. Toutes les substances ont augmenté le temps de réflexion des joueurs d’échecs, ce qui s’est traduit par un nombre significativement plus élevé de parties perdues à temps. Ainsi, cette prise de décision plus réfléchie a conduit à la plus mauvaise performance sous la pression du temps, un effet qui a été inversé lorsque les contraintes de temps n’ont pas été prises en compte. Dans une batterie complète de tests neuropsychologiques qui a également été appliquée, seul le temps de réaction dans une tâche d’attention sélective (tâche de Stroop) était significativement plus court après le MPH. Enfin, les participants se sont sentis nettement moins fatigués et ont fait état d’une plus grande vigueur après le MPH et le CAF (Franke et al. 2017).
Nos résultats doivent être interprétés avec prudence car cette étude pilote présente un certain nombre de limites. Tout d’abord, elle a une petite taille d’échantillon par bras ; nous ne pouvons donc pas exclure que de petits effets spécifiques à la substance n’aient pas été détectés. Avec cet essai, nous espérons enrichir la littérature qui traite de l’utilisation de ces substances en tant qu’amplificateurs cognitifs. Outre les questions sociales et éthiques qui sont associées à l’utilisation de substances pharmacologiques à des fins d’amélioration (comme nous l’avons soutenu ailleurs ; Dresler et al. 2018), l’évaluation des risques et des avantages devrait tenir compte du fait que les personnes qui utilisent des stimulants pour l’amélioration cognitive n’essaient pas de traiter des symptômes débilitants, mais cherchent à optimiser une performance déjà bonne ou « normale ». On peut donc affirmer que les effets positifs doivent être au moins modérés par rapport au placebo pour justifier les risques éventuels. Par conséquent, bien qu’une étude insuffisamment puissante puisse passer à côté d’un petit effet, elle ajoute tout de même une information importante à la littérature. Deuxièmement, l’essai simultané de trois stimulants et l’examen de leurs effets dans divers domaines cognitifs ont nécessité une correction pour les comparaisons multiples, ce qui peut contribuer à la non-détection de certains effets. Dans cette étude, nous n’étions pas intéressés par les effets sur un seul domaine cognitif, mais nous visions une analyse exploratoire des effets sur différents domaines. C’est pourquoi nous n’avons pas formulé d’hypothèse a priori sur l’effet de tel ou tel stimulant dans chaque domaine. Troisièmement, afin d’éviter les effets secondaires et d’examiner des effets comparables à ceux recherchés et rapportés par les personnes utilisant ces substances à des fins d’amélioration dans des contextes naturalistes, nous avons utilisé des doses plutôt faibles à modérées ; il se peut donc que nous sous-estimions le potentiel réel des substances. En outre, les doses pourraient ne pas être équivalentes à l’effet de chaque substance sur chaque domaine cognitif particulier. Il a été démontré, par exemple, que chez les personnes privées de sommeil, 200 mg de MOD avaient des effets comparables à 600 mg de CAF. Cependant, dans notre cas, chez des individus non privés de sommeil, nous avons pu montrer un effet du CAF sur l’attention en appliquant seulement 200 mg, alors que 200 mg de MOD n’ont pas produit un tel effet. Cela met en évidence l’interaction entre la vigilance de base, la substance et le domaine cognitif dans lequel un effet est recherché. Il a été démontré précédemment que les effets des stimulants sur des individus en bonne santé pouvaient dépendre des performances de base mesurées par les scores d’intelligence et la capacité de la mémoire de travail (Mehta et al. 2000 ; Randall et al. 2005). Dans notre étude, les caractéristiques de base n’ont pas eu d’impact sur la performance. Cependant, notre échantillon était principalement composé de personnes ayant des scores d’intelligence élevés. On a émis l’hypothèse que des performances de base plus faibles pourraient être liées à une concentration sous-optimale de dopamine dans le cortex préfrontal et que les stimulants pourraient atténuer ce phénomène. D’un autre côté, les personnes ayant des performances de base élevées ont déjà une concentration optimale de dopamine et ne bénéficient donc pas autant des stimulants, ou dans certains cas, les performances pourraient même diminuer avec l’augmentation de l’excitation (Wood et al. 2014), un effet que nous n’avons pas non plus observé dans notre étude. Néanmoins, nous ne pouvons pas exclure l’existence de différences de base spécifiques à un domaine. Quatrièmement, nous n’avons pas administré de doses adaptées au poids corporel ni mesuré les concentrations plasmatiques de chaque substance. Bien que les trois substances aient des pics de concentration plasmatique maximale (Cmax) différents, toutes les substances ont été appliquées 90 minutes avant les tests cognitifs. Compte tenu des différents temps approximatifs pour atteindre la Cmax (MPH = 90 – 120 min ; MOD = 120 – 240 min ; CAF = 60 min), 90 min a été choisi comme une moyenne raisonnable pour atteindre une concentration plasmatique suffisante de chaque substance (Cappelletti et al. 2015 ; Dolder et al. 2018 ; Minzenberg et Carter 2008 ; Schmid et al. 2014 ; Swanson et Volkow 2003 ; Wood et al. 2014). Néanmoins, il est possible que nos résultats ne représentent pas la performance optimale qui pourrait être atteinte avec ces substances. En outre, nous ne pouvons pas exclure que l’ordre fixe des tests ait contribué dans une certaine mesure à l’absence de résultats significatifs, car non seulement la concentration et donc l’effet du stimulant s’estompent avec le temps, mais les capacités cognitives sont également épuisées à la fin des tests. En programmant les tests toujours à la même heure en début d’après-midi, nous avons essayé de saisir les effets des stimulants sur la fatigue de l’après-midi, lorsque les performances sont censées être les plus faibles. Le fait que les tests aient été effectués le week-end et que les participants aient été invités à arriver au laboratoire bien reposés a probablement atténué la fatigue de l’après-midi. Enfin, on peut faire valoir que, puisque les participants ont quitté le laboratoire après le test et que le rappel tardif a été évalué après 24 heures par téléphone, les différentes distractions environnementales entre les deux jours de test ont pu conduire à un encodage différent. Pour éviter cela, il a été demandé aux participants d’avoir une routine quotidienne similaire les deux jours. Comme nous l’avons montré précédemment, il s’agit d’une méthode de test réalisable qui évite aux participants de rester au laboratoire (Dresler et al. 2017).
En résumé, notre étude a montré quelques effets modérés de deux des trois stimulants testés, le MPH ayant des effets positifs sur la fatigue et la mémoire déclarative à long terme et le CAF des effets positifs sur l’attention soutenue, tandis que le MOD n’a pas eu d’effets significatifs dans notre essai. Aucune compensation des effets négatifs sur d’autres domaines cognitifs n’a été trouvée. Les résultats peuvent orienter d’autres recherches qui peuvent se concentrer spécifiquement sur les effets de chaque stimulant sur le domaine cognitif qui semble le plus prometteur, tout en prenant éventuellement en compte les performances de base dans ce domaine particulier.