Que faire lorsque l’on est témoin de maltraitances envers des enfants ?

Je me suis aperçu depuis récemment, ou bien est-ce moi qui suis plus attentif depuis peu, qu’il y a une augmentation des questionnements sur reddit sur ce qu’il faut faire lorsque l’on est confronté à des violences envers des enfants ou des mineurs plus généralement.

En effet, il peut sembler compliqué d’avoir la bonne réaction lorsque l’on est témoin d’actes violents et parfois choquant, qui peuvent se matérialiser par des coups ou des paroles dures, voire les deux à la fois. Etre témoin, de plus, engage notre responsabilité sur le plan juridique, puisque la non-assistance à personne en danger existe bel et bien. En effet, lorsque l’on est témoin d’un délit ou d’un crime qui implique l’action violente de quelqu’un sur une autre personne, il est de notre devoir de citoyen de réagir dans l’intérêt de la personne en position de faiblesse, qu’elle soit valide, invalide, mineure ou majeure. Bien entendu il est exclu de se mettre soi-même en danger, ce qui peut être difficile à mettre en place puisqu’il est souvent nécessaire de réagir rapidement.

Est-ce que nous nous trouvons dans un tel contexte si l’on assiste à une scène où une mère, excédée par les caprices de son enfant au magasin de proximité, porte une gifle au visage de son enfant qui se met ensuite à pleurer sous les cris de sa mère ?

Récemment, depuis juillet 2019, les violences éducatives ordinaires sont interdites et l’autorité parentale se doit d’être exercée sans violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques. La nouvelle loi n’apporte pas de sanction particulière, mais le Code Pénal prévoit bel et bien une sanction lorsque l’on use de violence physique et psychologique contre un mineur de 15 ans ou moins, autant lorsque la violence est commise par un inconnu que par « un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur. »

La gifle est donc parfaitement illégale, les hurlements qui s’en suivent peuvent être de même considérés comme une violence, cette fois psychologique. La subtilité ici, c’est bien que lorsqu’un adulte se fait gifler, on peut se dire intuitivement qu’il peut se défendre, aller porter plainte, répondre… Ce qui est rarement le cas d’un enfant, c’est pour cela que les sanctions sont plus dures quand cela les concerne eux plutôt que les adultes, et que la non-assistance à personne en danger se fait plus ressentir si tout le monde détourne les yeux lorsqu’un enfant se fait violenter.

OK, tout ça c’est la loi, c’est pas bien, on peut punir, etc.

Mais que ferions-nous réellement dans une telle situation ? Appeler la police ? S’interposer ? Répéter tout ce que j’ai expliqué jusque-là ? Faire un Harlem Shake pour détendre l’atmosphère et tous vivre ensemble dans le meilleur des mondes ?

Je pense qu’on sera tous d’accord pour dire que la police a autre chose à faire que de venir pour une gifle. Que s’interposer ne ferait qu’empirer la situation. Que faire un rappel à la loi quand on est un citoyen lambda, c’est assez inutile et on se fera juste rire au nez ou pire… Bref, on se sent vachement impuissant et ça fout la rage, on est d’accord.

Pourquoi je vous parle de ça ?

Je travaille en prévention spécialisée, qui participe à la protection de l’enfance, qui est à différencier de l’aide sociale à l’enfance. C’est une différence importante, puisque la protection de l’enfance représente un ensemble de loi et de principes sous lesquels on bosse, tandis que la prévention spécialisée et l’aide sociale à l’enfance sont deux entités différentes, qui œuvrent malgré tout de concert sur pas mal de situations. Les missions de protection de l’enfance sont déléguées à la prévention, et l’aide sociale à l’enfance est ce qui va agir au domicile des gens lorsque les problématiques sont liées aux mineurs, avec des éducateurs à domicile, des éducateurs PJJ (protection judiciaire de la jeunesse). Donc moi je suis en prévention, avant que les situations soient trop compliquées, et dès qu’elles sont trop compliquées, c’est des mesures à domicile voire en centre éducatif fermé avec éducateurs à domicile et éducateurs PJJ qui sont mises en place. Y’a beaucoup plus de choses à dire, et les questions seront vite répondues, mais je vais rester concis pour le moment.

En vrai ce n’est pas si compliqué que ça, mais y’a pas mal de niveaux d’intervention, pas mal de cas particuliers, pas mal de possibilités en fonction des jeunes et de leurs problématiques, parce qu’on essaie de personnaliser au maximum les réponses apportées en prenant en compte toute la singularité du jeune qu’on accompagne.

Au travers de mon boulot et même de ma vie privée au niveau associatif sportif, j’ai pu remarquer une augmentation des signalements, d’un mal être croissant au sein des familles avec la situation sanitaire, d’une situation qui se complique dans les écoles et des gamins auparavant sur le fil qui ont complètement basculé côté psychiatrique.

Je vais maintenant essayer de donner la réponse la plus raisonnable sur ce qu’il faut faire quand on est témoin de violences faites à des enfants.

Bien entendu, la première chose à faire est de considérer les violences et leur intensité, fréquence, nature. Si l’on considère que les violences sont suffisantes pour être inquiétantes, ou mettent en danger ouvertement la santé morale et physique de l’enfant, il faut alors le signaler immédiatement aux personnes compétentes, police si la situation immédiate le nécessite, sinon il faut faire un signalement par le biais d’une information préoccupante ou d’un complément d’information. En principe, pour tout citoyen il est préférable d’appeler le 119, puisqu’il y a peu de chance que vous connaissiez les personnes que vous croisez au supermarché et qui ont ce comportement. Lorsque l’on a très peu d’info mais qu’on est quand même témoin, un signalement via le 119 en donnant le maximum d’infos pertinentes, même une plaque d’immatriculation ou n’importe quoi d’autre, tout est bon à prendre. On est bien d’accord que l’on ne réagira pas pareil si on assiste à un viol ou à une gifle, chacun ici sera assez raisonnable, à mon avis, pour agir en conséquence.

Cependant, en moyenne, on assiste surtout à des violences éducatives ordinaires, gifles, brimades…

Pour ceux que je vois déjà venir, il n’est pas inutile de signaler même si on n’a pas grand chose à dire, puisque la famille est peut-être déjà connue et une enquête est elle aussi peut-être déjà en cours, votre information pouvant être un élément décisif pour les services sociaux sur une éventuelle mesure à prendre.

Il est d’ailleurs plus simple de signaler une famille voisine qu’une famille croisée au magasin, mais le principe reste le même. Le signalement doit être fait de manière impartiale, sans jugement, purement factuelle et avec le plus d’éléments pertinents possibles. Des dates, des actes, des trucs concrets et exploitables. Ça ne sert à rien d’appeler le 119 ou de faire une information préoccupante par lettre pour se plaindre et demander la tranquillité ou la justice.

L’information préoccupante et le compte rendu de l’appel au 119 seront transmis à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP). La CRIP s’occupe du reste, ne cherchez pas à savoir la suite des évènements. Même pour nous, éducateurs, il arrive que l’on ne sache pas ce qui se passe plus tard parce que ce n’est plus notre travail de suivre la famille et les enfants. C’est frustrant, ça fout les boules, mais il faut bien comprendre que c’est déjà le chaos dans la famille, qu’ils sont déjà épiés de près par des gens qu’ils n’apprécient pas spécialement pour qu’en plus les voisins aient un droit de regard. Mais je vais quand même détailler un peu ce qui se passe lorsqu’une information préoccupante (ou complément d’information suivant les cas, c’est presque pareil) ou un appel au 119 sont pris en considération.

Il faut distinguer l’information préoccupante (IP) du signalement (difficile d’être très clair ici, on signale un acte, mais par le biais d’une IP ou d’un signalement). L’IP reste au niveau de l’aide sociale à l’enfance (ASE), les familles sont plutôt volontaires pour des mesures qui ne nécessitent pas de procédures judiciaires et des solutions sont apportées dans le quotidien de ces personnes afin de ramener à un environnement plus sain et vivable.

Le signalement, lui, va jusqu’au Procureur de la République, et là ce sont des juges qui décident de ce qu’il faut faire. Parfois c’est les parents qui ont fait des choses graves, atteintes sexuelles, viols, violences poussées. D’autres fois c’est les mineurs qui se sont mis en danger en commettant des actes type trafic de drogue, racket, violence envers d’autres…

Parce qu’il est nécessaire d’avoir en tête qu’un mineur en danger n’est pas toujours un mineur qui est mis en danger, mais qui se met lui-même en danger. Pour des raisons diverses et variées, les parents ayant une responsabilité variable dans ce qui se passe, de toute façon le résultat est le même, le mineur est en danger.

J’ai la sensation que vous vous posez surtout des questions pour les plus jeunes et les plus fragiles comme les handicapés, mais il faut bien avoir en tête que le plus jeune que l’on voit au magasin ou qui est notre voisin, sera un jour un adolescent et plus tard un adulte. Il est absolument impératif d’agir le plus tôt possible quand on sent qu’une situation est merdique, parce que laisser cela durer et s’enraciner, c’est créer de futures situations où l’individu deviendra un danger pour lui-même mais aussi pour les autres.

Voici une liste non exhaustive des signes pouvant amener à un signalement :

  • Marques corporelles (traces de coups, brûlures, scarifications)
  • Problèmes de santé : maladies répétées et évitables, fatigue, pâleur
  • Enurésie, encoprésie
  • Arrêt du développement physique ou intellectuel
  • Obésité, maigreur
  • Hygiène défectueuse
  • Violence ou agressivité
  • Mutisme, inhibition, repli sur soi
  • Quête affective systématique
  • Fugues répétées
  • Peurs inexpliquées
  • Prise de risque (fugue, conduites addictives)
  • Désordres alimentaires (anorexie, boulimie, vomissements répétés)
  • Accidents domestiques à répétition
  • Difficultés scolaires (absentéisme important, désinvestissement, échec malgré les compétences)
  • Evitement de certaines situations scolaires ou sportives
  • Comportement ou langage porté sur la sexualité inadaptés à l’âge

Cette liste est à prendre avec des pincettes. Un enfant qui prend un risque en grimpant sur un mur ne présente pas forcément de signes de maltraitances. Un enfant malade régulièrement peut avoir une condition de santé due à sa composition physique de naissance, etc. Cependant, lorsque certaines choses sont répétées, semblent étranges, qu’il y a certains malaises, on se rend assez vite compte qu’il peut y avoir un problème et que ça vaut le coup de creuser. Si un enfant coche plusieurs cases à cette liste, il est probable qu’il ait un souci, mais qui ne peut venir ni des parents ni de lui. Pour autant, il ne faut pas que cela reste sans réponse.

Des professionnels comme les travailleurs sociaux, les professeurs des écoles, CPE, etc, sont un peu plus habitués à repérer certains signes de maltraitances, mais pour le citoyen lambda, cela peut être plus difficile. D’où le fait qu’il ne faut pas s’interposer, qu’il ne faut pas faire la morale aux gens que l’on croise, qu’il ne faut pas partir du principe que l’on a compris toute la situation et que l’on aurait toutes les solutions (parents en prison ou au pilori).

La meilleure chose à faire, c’est d’appeler le 119 et de demander des conseils en fonction de la situation rencontrée. Encore mieux, si on connait une association de prévention spécialisée, si on peut contacter un professionnel de l’enfance quel qu’il soit, ne pas hésiter à en parler, autant pour l’enfant que pour soi, parce qu’il est parfois difficile de simplement assister à certaines situation. Transmettre la responsabilité à d’autres, qui sont compétents pour cela, est toujours la meilleure solution et pour l’enfant et pour vous.

Je vous rajoute des éléments, pas indispensables à la compréhension de cet article mais néanmoins intéressants à connaître, ci-dessous.


L’autorité parentale.

L’autorité parentale (art. 371-1 du code civil) désigne l’ensemble des droits et des devoirs des parents vis-à-vis de leur enfant mineur. Elle implique notamment un devoir de protection et d’entretien, d’éducation et de gestion du patrimoine de l’enfant. Elle se distingue de la garde de l’enfant, qui implique de pourvoir au quotidien à tous ses besoins et d’accomplir tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation. Le placement de l’enfant hors de son domicile familial consiste à en confier la garde à un tiers. Le placement n’affecte pas l’exercice de l’autorité parentale (art. 375-7 du code civil). Le gardien de l’enfant accomplit les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation (art. 373-4). En dehors de ces actes usuels, l’autorisation des parents (ou de la tutelle) est requise. Sauf dans les cas où le juge confie explicitement l’enfant à un établissement ou à une personne en particulier (placement direct), le service gardien de l’enfant est l’ASE, qui lui-même peut le confier à un assistant familial (famille d’accueil), à un établissement ou à un tiers bénévole, choisi parmi l’environnement de l’enfant ou les personnes qu’il connaît déjà.


L’adoption simple.

Certains départements (notamment le Val-d’Oise ou la SeineMaritime) souhaitent développer le recours à l’adoption simple, notamment pour les enfants dits « grands ». Dans cette forme d’adoption, l’autorité parentale est également attribuée au(x) parent(s) adoptif(s) mais contrairement à l’adoption plénière, l’adopté conserve ses liens de filiation avec sa famille d’origine. Le nom de l’adoptant s’ajoute au nom de l’adopté ou le remplace (alors que le remplacement est automatique dans l’adoption plénière) 101 . Cette forme plus souple d’adoption apparaît plus adaptée dans de nombreuses situations, en présentant l’intérêt majeur de ne pas effacer la filiation antérieure. Mais la révocabilité possible de l’adoption simple (article 370 du code civil) dissuade les candidats à l’adoption comme les professionnels de recourir à cette formule considérée comme insécurisante.


Le délaissement parental.

Conformément à l’article 381-1 du code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit ». Le délaissement parental implique que l’autorité parentale soit déléguée, par la même décision, au gardien de l’enfant. Il n’a pas d’impact sur le lien de filiation, mais les parents perdent tous leurs droits et l’enfant peut être admis en tant que pupille de l’État.


Bilan de l’activité du 119 pendant la période de confinement.

Les campagnes de communication en faveur du 119 lancées durant la période de confinement41 ont conduit à une hausse significative des appels entrants (+56,2 % par rapport à la période équivalente en 2019, c’est-à-dire du 18 mars au 10 mai) 42 . Le nombre d’appels traités pendant le confinement a été de 6 044, en augmentation de 17 % par rapport à la même période en 2019. Du 18 mars au 10 mai 2020, 55 % des appels pris par les écoutants du 119 ont donné lieu à des informations préoccupantes, contre 49 % à la même période en 2019. Néanmoins, de l’avis des personnalités auditionnées, il est difficile de faire un lien entre la hausse de ces appels et une éventuelle dégradation de la situation des enfants en danger.


L’enquête Flash de la Drees sur la période de confinement.

La Drees a mené en avril 2020, une enquête « Flash » 45 auprès des établissements et des services de l’aide sociale à l’enfance sur leur fonctionnement pendant la période de confinement liée à la covid 19, dont il ressort les principaux éléments suivants : – 0,6 % des jeunes et 3,5 % du personnel étaient malades dans les établissements et services de l’ASE (en date du 5 avril 2020) ; – deux établissements de l’ASE sur trois et la moitié des services d’action éducative ont connu une baisse de leurs effectifs majoritairement pour des problèmes de garde d’enfants du personnel ; – quatre établissements sur cinq n’ont pu maintenir le droit de visite et d’hébergement des parents pour les jeunes placés concernés ; – la quasi-totalité des établissements (98 %) était en mesure d’assurer le suivi et le soutien scolaire d’au moins une partie des jeunes scolarisés ; – la continuité des suivis et des soins médico-psychologiques a rencontré davantage de difficultés.


Une réponse insuffisante aux situations complexes.

Certains jeunes relevant de la protection de l’enfance sont dits en « situation complexe » car ils cumulent des problématiques multiples (handicap, psychiatrie etc.). Ils se retrouvent exclus des différents dispositifs de prise en charge, chacun d’eux isolément étant incapable d’accueillir durablement cette conjonction de difficultés. Ces situations, peu nombreuses, pèsent néanmoins souvent sur les équipes de l’aide sociale à l’enfance, institution de dernier recours. Dans certains territoires, des partenariats locaux se nouent afin de mettre en place des solutions pour les mineurs en situation de handicap, confiés à l’aide sociale à l’enfance et nécessitant des soins psychiatriques. Dans d’autres cas en revanche, l’organisation d’une scolarité adaptée, le suivi médical et les soins thérapeutiques éventuellement requis reposent sur les seuls opérateurs de protection de l’enfance sans coordination des pouvoirs publics.


La conclusion du rapport de la Cour des Comptes.

La protection de l’enfance est une politique décentralisée qui, comme d’autres, souffre de faiblesses récurrentes de la part des pouvoirs publics. Ces faiblesses sont, pour partie, relatives à l’insuffisante coordination des différents acteurs au niveau national ou local et à des liens insuffisants avec d’autres politiques comme la santé, l’éducation ou l’insertion professionnelle, avec lesquelles la protection de l’enfance doit mieux s’articuler.

Parallèlement, la mise en œuvre des outils législatifs est particulièrement lente, tout comme l’adaptation du dispositif de prise en charge, alors que les besoins de l’enfant doivent être pris en compte très rapidement et son devenir d’adulte préparé très en amont. En effet, il existe aujourd’hui un consensus sur les bénéfices liés à une intervention précoce en cas de difficultés dans l’environnement de l’enfant et à la mise en œuvre rapide des mesures de protection éventuellement nécessaires. Or, à l’occasion de son enquête, la Cour a constaté que les deux dernières lois de 2007 et 2016 relatives à la protection de l’enfance, bien que riches en innovations favorisant le pilotage de la politique et une meilleure prise en charge des enfants, ne faisaient l’objet que d’une application minimale. En treize ans, de nombreux enfants protégés n’auront pu profiter des améliorations attendues. Devenus jeunes adultes, ils n’auront bénéficié pour leur grande majorité ni d’un projet pour l’enfant, ni de l’examen de leur statut au regard de la question de l’autorité parentale, n’auront pas toujours été accueillis dans une structure totalement adaptée à leurs besoins et leur avenir aura le plus souvent été envisagé sur le court terme et dans le meilleur des cas jusqu’à leurs 21 ans.

La protection de l’enfance en France a pris beaucoup de retard, notamment par rapport à d’autres pays européens ou au Québec, mais aussi par rapport aux politiques sanitaires et médico-sociales françaises qui proposent aux professionnels de nombreux outils leur permettant de partager un langage commun. Un socle d’outils communs et partagés d’analyse des besoins de l’enfant, comme la conférence de consensus sur les besoins de l’enfant protégé l’a amorcé, doit être conforté et développé au plus vite.

La crise liée à la covid 19 a montré que les faiblesses de pilotage dans le champ de la protection de l’enfance ont retardé la prise en compte de ce secteur, par rapport aux autres entités des établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge les personnes âgées ou en situation de handicap. Les dispositifs de protection individuelle ont été fournis avec retard et l’accueil des enfants des personnels concernés a été réalisé plus de deux semaines plus tard.

Mais cette crise sanitaire a montré également l’engagement continu des professionnels de la protection de l’enfance, y compris quand les établissements scolaires et les structures d’accueil des enfants en situation de handicap ont été fermés. La réactivité des opérateurs associatifs et publics a permis à cette occasion de proposer des modes de prise en charge alternatifs dans des temps très brefs.

L’impact de cette crise pour les enfants protégés n’a pas encore été analysé, mais des premiers constats ont mis en évidence que certains enfants avaient vécu le confinement comme une période de calme, protégée de l’instabilité des relations parentales. Sur ce point, comme sur d’autres aspects concernant la place des parents, la Cour constate que la recherche est largement insuffisante et doit être développée dans le domaine du soutien à la parentalité et de l’évaluation des compétences parentales.

La protection de l’enfance engage les pouvoirs publics dans une position de suppléance de court ou de long terme, partielle ou totale, de l’autorité parentale. À ce titre, il apparaît à la Cour que les actions doivent être conduites dans la perspective de préparer l’avenir des enfants protégés et de favoriser leur entrée dans la vie d’adulte. La réactivité des institutions et leur investissement doivent être à la mesure du temps de l’enfant qui passe bien plus vite que celui des pouvoirs publics.

À la veille d’une nouvelle séquence législative, annoncée par le gouvernement pour le premier trimestre 2021, dans le prolongement de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, la Cour invite les pouvoirs publics à soutenir toute nouvelle ambition par une mobilisation forte et par la volonté d’être opérationnel pour les enfants actuellement pris en charge.

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